IRONMAN World Championship HawaĂŻ 2022

Il est 5h du matin, nous sommes de retour en France, et à cause du jet-lag, impossible de dormir. Mes filles et ma femme dorment paisiblement, nous ne sommes vraiment pas égaux face à ça, pas de bol pour moi!

Quelle aventure ce voyage Ă  HawaĂŻ. Nous avons passĂ© presque trois semaines Ă  l’autre bout du monde, sur la “big island”, Kona. Pas par hasard, puisqu’il y avait les championnats du monde IRONMAN, cette course mythique oĂč l’IRONMAN est nĂ© en 1978. CrĂ©Ă© par John Collins, un militaire amĂ©ricain: 3,8km de natation, 180km de vĂ©lo et 42km de course Ă  pied, tout ça pour savoir qui d’entre les nageurs, les cyclistes et les coureurs Ă©tait le plus fort et endurant. Un dĂ©fi un peu dĂ©bile qui a lieu tous les ans, mais que nous relevons tous joyeusement 😂 Impossible de s’inscrire Ă  cette course sans avoir obtenu une qualification Ă  un autre IRONMAN, oĂč il faudra terminer sur le podium de sa catĂ©gorie. J’ai obtenu la mienne lors de l’IRONMAN de Finlande en 2021 en terminant 2Ăšme des 30-34 ans.

Il s’est passĂ© tellement de choses depuis!

Nous sommes en 2022 maintenant, et nous Ă©tions supposĂ©s partir Ă  HawaĂŻ un an auparavant, en Octobre 2021. Covid oblige, la course a d’abord Ă©tĂ© reportĂ© en FĂ©vrier 2022, puis de nouveau repoussĂ©e en Octobre 2022. Il faut garder en tĂȘte que cette course rassemble ~3000 athlĂštes, et bien que Kona soit surnommĂ© la “big island”, ça reste une petite Ăźle. Avec les athlĂštes, les accompagnants, les organisateurs, les bĂ©nĂ©voles, les mĂ©dias, etc. pas moins de 100 000 personnes sont venues pour cet Ă©vĂšnement. De quoi faire un magnifique cluster de Covid et saturer les infrastructures mĂ©dicales de l’Ăźle.

Il y a donc eu beaucoup de temps pour s’entraĂźner me direz vous! Si seulement 😂

Lors de l’IRONMAN de Finlande, j’étais dĂ©jĂ  limitĂ© par mon talon gauche, sur lequel une Ă©trange bosse s’était formĂ©e, et qui devenait de plus en plus handicapante lors de la course Ă  pied. Impossible de faire des grosses sĂ©ances, et la plupart des lendemains d’entraĂźnement en course Ă  pied se soldaient par un pied trĂšs raide et douloureux, et qui me faisait boiter. Je ne faisais pas plus de 40km de course Ă  pied par semaine, et pour les non connaisseurs, c’est vraiment trop peu pour prĂ©parer un IRONMAN, et encore plus pour progresser avec le niveau que j’ai en course Ă  pied. J’avais initialement pensĂ© traiter cette blessure aprĂšs les championnats du monde en Octobre 2021, mais vu que la date avait changĂ©, il Ă©tait temps de se pencher sur le problĂšme.

Rendez-vous chez le mĂ©decin du sport, radio, IRM, re rendez-vous, mĂȘme si nous avons la chance d’ĂȘtre en France et de pouvoir un suivi mĂ©dical trĂšs poussĂ©, je ne suis qu’un athlĂšte amateur, donc les rendez-vous prennent du temps (3 semaines pour le mĂ©decin du sport, 4 semaines pour l’IRM, etc.). J’ai au passage commencĂ© mon nouveau travail chez Doctolib en Septembre, et mĂȘme si je suis trĂšs heureux de les avoir rejoints, cela demande du temps et de l’investissement.

Au final je n’ai pu avoir un diagnostic final qu’en dĂ©cembre 2021. Je me doutais depuis un moment que ce problĂšme au talon devait ĂȘtre mĂ©canique plus que musculaire ou tendineux, puisque j’avais beau essayer de traiter les symptĂŽmes, rien ne s’arrangeait. Mon mĂ©decin du sport (Docteur François Tassery) m’avait initialement conseillĂ© (en 2020) de faire des trous dans mes chaussures Ă  l’endroit de la bosse pour Ă©liminer le frottement sur le talon. Ce qui avait eu un effet bĂ©nĂ©fique au dĂ©but. Mais avec l’IRM et la radio, le constat Ă©tait bien plus clair, il s’agissait du syndrome de Haglund. Pas grand chose de grave si ce n’est le haut de l’os du talon qui est lĂ©gĂšrement pointu au lieu d’ĂȘtre arrondi. Un syndrome assez frĂ©quent visiblement, beaucoup de personnes vivent avec, sans aucune gĂȘne. Mais moins de personnes sollicitent leur pied comme je peux le faire. Et cette petite excroissance osseuse va venir frotter sur le tendon d’achille Ă  chaque pas. Mon tendon Ă©tait donc clairement en pĂ©ril, et la bosse qui s’était formĂ©e Ă©tait une bursite, une inflammation du tendon.

Malheureusement pour moi, deux solutions s’offraient. Un, lever le pied (dans les deux sens du terme) sur le sport pour Ă©viter de cisailler le tendon encore plus ou deux, raboter l’os (pour ĂȘtre plus prĂ©cis le terme mĂ©dical est une ostĂ©otomie du calcaneum). Pour la solution un, cela signifiait quand mĂȘme arrĂȘter la course Ă  pied pour le reste de ma vie donc bon 😅

Je suis parti sur la seconde solution, mais cela passe forcĂ©ment par une chirurgie. Me voilĂ  donc en route pour Paris en Janvier pour la clinique du sport afin de rencontrer le Docteur Gerometta, chirurgien orthopĂ©diste, sur recommandation du Docteur Tassery. Aucun problĂšme pour l’opĂ©ration, le Dr Gerometta me confirme qu’il n’y a pas d’alternative Ă  l’opĂ©ration pour fixer la cause du problĂšme. Il m’explique que c’est une opĂ©ration assez lourde puisqu’il faut scier l’os et que ce type d’interventions implique une convalescence assez longue: quatre semaines de plĂątre post opĂ©ration, et de nombreuses sĂ©ances de kinĂ© ensuite. Il faut ensuite compter au minimum 1 mois et demi avant de pouvoir reprendre le vĂ©lo ou la natation en douceur, et pour la course Ă  pied
 ça dĂ©pend. Donc au moins 3 mois sans sport. Je lui explique les enjeux en cours, la date de l’IRONMAN Ă  HawaĂŻ, et SURTOUT, bien plus important que le reste, la naissance de ma deuxiĂšme fille prĂ©vue dĂ©but mars. Donc hors de question d’avoir des bĂ©quilles Ă  ce moment-lĂ  😅 Il me propose une opĂ©ration le 18 Janvier suite Ă  un dĂ©sistement, ce qui me permettrait d’enlever mon plĂątre deux semaines avant l’arrivĂ©e de ma fille. Et suffisamment de temps pour faire la rĂ©Ă©ducation et la prĂ©paration pour l’IRONMAN. C’était tendu mais c’était jouable. Et pour ĂȘtre trĂšs honnĂȘte, j’avais dĂ©jĂ  dĂ» rĂ©duire le volume de course Ă  pied par rapport Ă  la Finlande, et j’étais obligĂ© d’espacer chaque sĂ©ance de course Ă  pied d’au moins deux jours, puisque je ne pouvais mĂȘme plus marcher certains jours. Donc rendez-vous pris pour l’opĂ©ration! J’ai au passage passĂ© un super moment avec ce Docteur, il est vraiment trĂšs sympathique, encore une belle rencontre!

OpĂ©ration avec rachianesthĂ©sie, j’ai bien entendu le bruit de la scie et du rabot sur mon os, c’était
 perturbant 😅 Le Docteur passe me voir aprĂšs l’opĂ©ration, tout s’est bien dĂ©roulĂ©. Il me confirme que mon tendon est intact malgrĂ© la bursite, ce qui est trĂšs encourageant pour la rĂ©Ă©ducation. Me voilĂ  avec mon premier plĂątre de ma vie, une nouvelle expĂ©rience. Mon pĂšre me ramĂšne Ă  la maison (merci Papa d’avoir fait le taxi đŸ„°). Il ne me reste plus qu’à prendre mon mal en patience.

4 semaines plus tard (le 17 fĂ©vrier 2022), je revois le Dr Gerometta pour retirer mon plĂątre, tout est ok, la cicatrice est belle et le pied n’est pas plus gonflĂ© que prĂ©vu, c’est un succĂšs. Je pensais repartir du rendez-vous sans mes bĂ©quilles, ah ah ah
 C’est dingue la vitesse Ă  laquelle les muscles fondent lorsqu’on ne les utilise plus. Pour ceux qui ont dĂ©jĂ  vu mes jambes, elles sont plutĂŽt fines, et mes mollets sont plus du type poulet que Schwarzenegger. Et lĂ  j’avais l’impression d’avoir juste un petit bĂąton Ă  la place de la jambe gauche đŸ˜± Parce que j’avais perdu toute la mobilitĂ© de mon pied aussi. Donc impossible de marcher sans les bĂ©quilles, ça promet pour HawaĂŻ cette histoire!

Audrey arrive Ă  la fin de la grossesse, et notre bĂ©bĂ© est prĂ©vu pour le 5 mars. Sauf que le 19 fĂ©vrier, premiĂšre alerte! Direction l’hĂŽpital en pleine nuit (et en pleine tempĂȘte au passage), j’ai vraiment cru que c’était le moment! Audrey me dira ensuite qu’elle n’y croyait pas trop, mais ces contractions Ă©taient quand mĂȘme trĂšs douloureuses. Heureusement que ce n’était pas pour ce jour, parce que je pouvais Ă  peine marcher, j’aurai Ă©tĂ© un bien piĂštre compagnon d’accouchement.

Rebelote la semaine suivante (toujours en pleine nuit Ă©videmment), sauf que c’était le bon moment cette fois. Quel beau moment dans une vie de parents đŸ„° Je me revois aller chercher en “courant” (si vous avez vu Forrest Gump et le moment oĂč il essaie de courir avec ses armatures mĂ©tallique c’est l’image parfaite) un fauteuil roulant pour Audrey qui, bien qu’elle gĂ©rait ses contractions comme une cheffe, avait un peu mal quand mĂȘme. On parle de l’IRONMAN (homme de fer pour les nuls en anglais (je sais qui vous ĂȘtes les nuls en anglais)), mais pour l’accouchement, les femmes devraient avoir le titre d’IRONWOMAN (les nuls en anglais j’espĂšre que vous pouvez traduire ça tout seuls). Nous les hommes on est l’assistant du magicien, on sert globalement Ă  rien Ă  part ĂȘtre prĂ©sents, et on assiste Ă  ce truc incroyable. Nous voilĂ  de nouveau parents, et heureux. Je pourrais parler de ma fille pendant encore des heures, alors je m’en tiendrai au rapport de course!

DĂ©but des sĂ©ances de kinĂ©, avec le meilleur du monde, Antoine Allaire. En plus d’ĂȘtre un excellent kinĂ©, c’est une personne que j’apprĂ©cie Ă©normĂ©ment par sa sympathie, sa gentillesse et son humour piquant! Et tant mieux qu’on puisse passer de bons moments, parce qu’entre FĂ©vrier et HawaĂŻ en Octobre, il y a eu plus de 60 sĂ©ances. Ça peut paraĂźtre beaucoup, mais une opĂ©ration qui touche un tendon implique un temps de rĂ©cupĂ©ration trĂšs important, et les adaptations tendineuses (donc rĂ©habituer le tendon aux contraintes d’un sport) prennent des mois. J’ai par exemple appris que l’opĂ©ration fait saigner l’os, donc un ƓdĂšme se forme. Pendant la cicatrisation, le sang va coaguler et coller le tendon sur l’os, donc
 le tendon ne glisse plus comme d’habitude. En plus de limiter les mouvements, ça fait mal.

Je suis reparti de loin, trĂšs loin. La premiĂšre Ă©tape Ă©tait de faire bouger le pied et les doigts de pied. Pas si facile, on sent bien que les connexions neuronales sont un peu endormies. Remettre de la mobilitĂ©, re muscler le mollet et ceux du pied, finir la cicatrisation et rĂ©sorber l’ƓdĂšme, pleins de petits exercices qui demandent de la concentration et surtout de la patience. Il pouvait parfois se passer plusieurs semaines sans amĂ©lioration, puis on passait un cap, et ainsi de suite.

Bref, Ă  coup d’1h30 de kinĂ© par sĂ©ance, j’y ai passĂ© du temps. J’ai pu “reprendre” le vĂ©lo et la natation au bout d'1 mois et demi, par des entraĂźnements de
 10 minutes. Puis aprĂšs 2 semaines 30 minutes, puis un peu d’intensitĂ©, toujours en contrĂŽle et avec la rĂšgle suivante. Les entraĂźnements ne devaient pas entraĂźner de douleurs au tendon ni pendant ni aprĂšs. Toujours en contrĂŽle et sans jamais brĂ»ler les Ă©tapes. A chaque sĂ©ance, nous discutions avec Antoine des prĂ©cĂ©dents entraĂźnements, des ressentis, pour qu’il puisse ajuster la rĂ©Ă©ducation au mieux. Et finalement reprise de la course Ă  pied fin mai, soit 4 mois aprĂšs l’opĂ©ration. Je trouvais ça interminable, mais Antoine me dira par la suite que le dĂ©lai est bien souvent plus long sur ce type d’opĂ©ration. Et quand je dis reprise de la course Ă  pied, c’était 1 minute de course et 2 minutes de marche pendant 15 minutes. Loin des 42 kilomĂštres pour l’IRONMAN. MĂȘme protocole, patience, contrĂŽle, ajustement, et on rĂ©pĂšte. Je voyais approcher les championnats du monde et je me disais quand mĂȘme que ça allait faire juste, ma premiĂšre vraie sĂ©ance Ă  pied Ă©tait mi juillet, oĂč j’ai fait quelques minutes Ă  15 km/h. Pas fou fou pour la confiance, mĂȘme si j’ai de la chance de n’avoir jamais eu de problĂšme pour faire de longue distance Ă  pied, au contraire. Mais je n’avais pas envie de faire l’IRONMAN en footing mais bien en Ă©tant compĂ©titif. TrĂšs tĂŽt dans la prĂ©paration, je m’étais dĂ©jĂ  fait Ă  l’idĂ©e que je ne serai pas au top de ma forme, et que j’allais Ă  HawaĂŻ pour faire le mieux que j’avais avec le temps imparti, et surtout pour profiter au maximum de l’endroit, du voyage et de la course.

A part la course Ă  pied, la forme Ă©tait lĂ  sur le vĂ©lo et dans l’eau. J’avais progressĂ© un peu sur le vĂ©lo (surtout sur la position aĂ©ro sur les prolongateurs), et j’étais bien mieux en natation. J’avais depuis Mai commencĂ© Ă  participer aux entraĂźnements de natation de mon club, parce que nous avons la chance d’avoir beaucoup de crĂ©neaux rĂ©servĂ©s pour les membres dans plusieurs piscines du Havre. Et surtout nous avons des entraĂźneurs de natation Ă  chaque sĂ©ance. Et pour bien nager, il faut devenir un nageur. J’ai compris avec BenoĂźt (l’entraĂźneur prĂ©sent pendant les crĂ©neaux) ce que c’était une vraie sĂ©ance de natation. MĂȘme si pour lui, nager 3 km c’est la moitiĂ© d’un vrai entrainement. Bref, on nage et inutile de lui sortir des excuses, il n’aura pas de pitiĂ© pour les triathlĂštes 😂.

Autre point TRES important lorsque l’on prĂ©pare HawaĂŻ, c’est la prĂ©paration Ă  la chaleur. MalgrĂ© le rĂ©chauffement climatique, le climat normand est loin du climat de lĂ -bas. Il faut s’attendre Ă  plus de 30 degrĂ©s et 90% d’humiditĂ©, donc si on y va non prĂ©parĂ©, on peut mourir pendant la course (vraiment). Je connaissais les principes d’une prĂ©paration Ă  la chaleur, surtout faire quelques sĂ©ances sur le home trainer avec un k-way et sans ventilateur. Mais en discutant de tout ça avec Antoine, j’ai pĂ» aller bien plus loin que ça. Il est en effet intĂ©grĂ© (entre autres, il est partout) au staff mĂ©dical de l’équipe de France de basket, pour laquelle une prĂ©paration spĂ©cifique a Ă©tĂ© faite pour les Jeux Olympiques de Tokyo, oĂč il faisait trĂšs chaud. J’ai donc suivi le mĂȘme protocole, Ă  savoir une prĂ©paration sur 6 semaines avec des sĂ©ances dans un environnement le plus proche possible du climat d’HawaĂŻ. Pas facile Ă  trouver, surtout pour le taux d’humiditĂ©.

En dehors des sĂ©ances de natation avec le club, j’ai l’habitude d’aller m’entrainer Ă  la piscine de CriquetĂŽt, parce que la piscine est facilement accessible et bien entretenue, il n’y a pas trop de monde, et les maĂźtres nageurs sont vraiment super sympas. Il se trouve que l’AB Sports, piscine et SPA (le nom complet du complexe), a Ă©galement un espace SPA (vous l’avez devinĂ© dans le titre) avec sauna et hammam. Un petit effort de dĂ©duction
 Le hammam, avec ses 40 Ă  45 degrĂ©s et 100% d’humiditĂ©, est l’endroit (presque) parfait pour reproduire des conditions hawaĂŻennes. Le protocole Ă©tait le suivant: 6 semaines avant la course, 6 sĂ©ances en environnement se rapprochant d’HawaĂŻ, Les 4 semaines suivantes, 1 sĂ©ance de rappel par semaine, La derniĂšre semaine, pour laquelle j’étais arrivĂ© Ă  HawaĂŻ, fin de la prĂ©paration dans l’environnement de la course. Donc oui, aprĂšs avoir nagĂ© dans une piscine dans mon jardin avec un Ă©lastique autour de la taille tout l’hiver l’annĂ©e derniĂšre, cette annĂ©e j’ai couru dans le hammam. 20 minutes par sĂ©ance, Ă  faire des petits tours en trottinant dans les quelques 10mÂČ, avec la plupart du temps des mamies me regardant avec un air sidĂ©rĂ©. Il y en a mĂȘme une qui Ă©tait allĂ©e voir les maĂźtres nageurs pour savoir ce que je faisais, parce qu’elle trouvait ça original 😂. Mais avant de faire tout ça, j’avais parlĂ© de ce projet Ă  Alexandre Baril, le responsable dĂ©veloppement du centre aquatique. Pour d’une part demander si c’était ok, et Ă©galement savoir si je pouvais communiquer sur tout ça. Et c’est sans hĂ©siter qu’il m’a offert un accĂšs gratuit Ă  toutes les infrastructures le temps de ma prĂ©paration, ce pour quoi je lui suis extrĂȘmement reconnaissant, parce que j’en ai passĂ© du temps lĂ -bas! Pour ceux qui se souviennent, la prĂ©paration dans la piscine avec l’eau trĂšs froide Ă©tait vraiment dure, je me disais presque que le hammam serait un jeu d’enfant. PAS DU TOUT. Le problĂšme de faire de l’exercice dans cet endroit est que le corps n’a aucun moyen de se refroidir. Habituellement, le corps sue, et l’évaporation de l’eau permet au corps de faire baisser la tempĂ©rature interne. Mais lorsque la tempĂ©rature ambiante est supĂ©rieure Ă  la tempĂ©rature du corps (37 degrĂ©s), ça se complique. Lorsque l’air est en plus saturĂ© d’humiditĂ©, la sueur ne peut mĂȘme pas s’évaporer, donc le corps chauffe. C’est la raison pour laquelle on peut tenir dans un sauna, il y fait bien plus chaud (jusqu’à 90 degrĂ©s), mais l’air est sec, donc la sueur s’évapore. J’ai dĂ» sortir du hammam avant la fin des 20 minutes Ă  plusieurs reprises, parce que ma tempĂ©rature interne Ă©tait bien trop haute, et que la petite alarme interne de mon corps me prĂ©venait du danger imminent. TrĂšs mauvaise idĂ©e de finir au mental dans ce cas lĂ , parce que je me serai sĂ»rement Ă©vanoui (au mieux). Mais les rĂ©sultats Ă©taient assez stupĂ©fiants. J’ai fait toutes les sĂ©ances avec un cardiofrĂ©quencemĂštre, pour d’une part m’assurer que mon cƓur n’était pas en dĂ©tresse, et Ă©galement pour suivre les adaptations. Les premiĂšres sĂ©ances, sans bouger, mon coeur battait Ă  140 bpm, soit la mĂȘme chose que lorsque je cours dehors entre 12 et 14 km/h. Juste avant de partir, mon cƓur restait Ă  120 bpm en trottinant dans le hammam, Encore une preuve que le corps est extrĂȘmement adaptable. En plus de l’augmentation du volume cardiaque, d’autres adaptations (que je ne pouvais pas mesurer) se mettent en place: augmentation du plasma sanguin, fluidification de la sueur et augmentation du taux de sudation, diminution de la tempĂ©rature interne, etc. Sans vouloir faire le donneur de leçon, n’allez pas courir dans un hammam, c’est vraiment dangereux. J’étais suivi par un professionnel, je savais quel intervalle de frĂ©quence cardiaque je devais respecter et j’étais au courant des risques. Et Ă  force de m’entraĂźner je connais trĂšs bien mon corps et les alertes qu’il peut m’envoyer. AprĂšs ce type de sĂ©ances, mon corps continuait Ă  suer pendant 1h, le temps de faire redescendre la tempĂ©rature interne. J’ai d’ailleurs fait hurler de rire Audrey la premiĂšre fois que je suis rentrĂ© aprĂšs la sĂ©ance, puisque j’étais d’un beau rouge Ă©carlate tellement j’étais brĂ»lant.

J’avais prĂ©vu un half IRONMAN avant HawaĂŻ, pour valider les allures et savoir comment mon corps rĂ©agissait sur une longue distance. C’est donc Ă  Weymouth en Angleterre que nous sommes allĂ©s mi-septembre, avec ma petite sƓur Emilie (qui faisait Ă©galement la course) et mes parents. Pour la faire courte, ça s’est plutĂŽt bien passĂ© puisque je termine premier de ma catĂ©gorie (30-34 ans) et 11 Ăšme au scratch. Un bon boost de confiance trois semaines avant HawaĂŻ, et surtout la premiĂšre fois que je faisais plus de 12 km Ă  pied d’un coup. A part le bon rĂ©sultat, la vraie satisfaction Ă©tait d’avoir pu courir sans douleur au pied avant, pendant et aprĂšs la course, qui en soi est au-delĂ  de mes espĂ©rances, vu les difficultĂ©s que j’ai eu depuis presque 3 ans. Et j’ai eu Ă©galement la satisfaction de revoir ma sƓur ĂȘtre une IRONWOMAN pour la seconde fois, et de constater les progrĂšs qu’elle a fait depuis l’annĂ©e derniĂšre Ă  Venise.

Bref, fin de prĂ©paration et dĂ©part pour HawaĂŻ, avec ma femme, mes deux filles (3 ans et 8 mois), et ma soeur (encore elle 😂). Si on avait su que le voyage serait aussi mouvementĂ©, on aurait pris des vacances avant pour se prĂ©parer.

ArrivĂ©s Ă  l’aĂ©roport le jeudi matin (9 jours avant la course), ma sƓur s’enregistre, et lorsque c’est notre tour, l’hĂŽtesse nous dit que le passeport d’une de nos filles ne passe pas. Elle essaye, essaye, puis s’aperçoit qu’il y a un problĂšme avec le visa. Lorsque nous avons fait la demande de visa, nous avons utilisĂ© le scan automatique des passeports via l’appareil photo du tĂ©lĂ©phone par simplicitĂ© d’utilisation, mais l’un des ‘i’ dans le numĂ©ro de passeport de notre fille s’est transformĂ© en ‘l’. Donc visa invalide. Donc interdiction de rentrer sur le sol amĂ©ricain (Ă©tats-uniens pour les puristes), donc interdiction de dĂ©coller. On n’allait quand mĂȘme pas laisser notre fille Ă  l’aĂ©roport et partir sans elle. Gros stress, on refait une demande de visa en espĂ©rant qu’elle soit acceptĂ© avant la fin de l’embarquement, prĂ©vu dans 15 min (oui parce que mĂȘme si on Ă©tait bien en avance, l’hĂŽtesse a mis du temps Ă  trouver nos billets, puis trouver l’erreur dans le visa, etc. rien n’était de sa faute, elle a fait tout ce qu’elle a pu!). ForcĂ©ment la validation a pris 30 minutes, donc on a loupĂ© notre vol. Ma soeur est partie sans nous, et nous avons dĂ» changer nos billets pour le vol du lendemain (heureusement sans frais parce que l’hĂŽtesse Ă©tait super cool!). Trop galĂšre de rentrer en Normandie, les filles ont pu faire leur premiĂšre nuit d’hĂŽtel. Sympa le stress de dĂ©part. Nous avons finalement rĂ©ussi Ă  dĂ©coller le lendemain, et aprĂšs 19h de vol et une escale, nous sommes arrivĂ©s Ă  HawaĂŻ. Je vais vous Ă©pargner toutes les (mauvaises) aventures sur place, ça prendrait trop de temps (bagages perdus Ă  l’arrivĂ©e, voiture en panne Ă  40 minutes de la location, etc.), la poisse.

L’üle est magnifique, les paysages volcaniques sont tellement dĂ©paysants! Et il fait chaud, vraiment chaud! Ma sƓur Emilie est dĂ©jĂ  sur place puisqu’elle a dĂ©collĂ© la veille et a repĂ©rĂ© les lieux. Elle a notamment trouvĂ© du pain de mie Ă  11 dollars 😂 dans la supĂ©rette du village (c’est pas une blague). PremiĂšre petite sortie de course Ă  pied avec elle, ça fait plaisir de voir que courir dans le hammam a portĂ© ses fruits, je suis bien plus Ă  l’aise que ma sƓur qui me dit qu’elle est dans le rouge.

Arriver une semaine avant c’est pas mal, je pense que c’est encore mieux d’arriver avant lorsque c’est possible, c’est tellement diffĂ©rent comme environnement que mĂȘme la tĂȘte met un peu de temps Ă  s’habituer. Les couleurs sont plus vives, les oiseaux font des bruits diffĂ©rents, la signalisation et la circulation sur la route, la taille des voitures (la TAILLE des voitures!). Aller faire les courses la premiĂšre fois dans un pays Ă©tranger prend toujours des heures le temps de lire les Ă©tiquettes et de trouver ce que l’on veut. Fait intĂ©ressant, les lĂ©gumes et les fruits frais ne sont pas trĂšs chers comparĂ©s au reste, puisque l’État d’HawaĂŻ essaie de rendre la nourriture saine plus accessible pour lutter contre l’obĂ©sitĂ©. PlutĂŽt cool! Les derniers entraĂźnements se passent super bien, pas de fatigue du voyage Ă  part quelques courbatures au dos qui vont et qui viennent (retenez cet Ă©lĂ©ment pour la suite), mais je dĂ©couvre Ă  cette occasion les talents de masseuse de ma sƓur, elle a plus d’un tour dans son sac! Les filles se sont trĂšs vites adaptĂ©es Ă  l’ïle, mais se rĂ©veille avec le soleil Ă  5h du matin đŸ˜« ça pique un peu les premiers jours, mais en prenant le rythme c’est cool, ça permet de profiter de la “fraĂźcheur matinale” (23 degrĂ©s) et ça permettra de se lever plus facilement le matin de la course, car le dĂ©part est prĂ©vu Ă  6h50.

Livia a fait sa premiĂšre course parce qu’IRONMAN organise une course pour les enfants, 300 mĂštres Ă  parcourir sur le front de mer de Kailua avec un parent en accompagnant, au mĂȘme endroit que la course des grands! C’était vraiment un super moment, les enfants avaient droit au dossard, au tatouage sur le bras et Ă  une ambiance de folie! Livia Ă©tait un peu impressionnĂ©e par le monde et le bruit, mais elle a bien couru!! Un merveilleux moment en famille, et c’est vraiment trĂšs mignon de voir les enfants Ă  fond dans leur course, ils ont bien mĂ©ritĂ© leur mĂ©daille Ă  l’arrivĂ©e.

Check-in des athlÚtes, dépÎt du vélo et des affaires pour les transitions, le parc à vélo est rempli de vélos de fous! On croise des mollets saillants et des athlÚtes affutés de partout, on est bien aux championnats du monde et pas à la course du dimanche dans le petit village.

Lorsque l’on termine le check-in, tout le monde passe par la tente mĂ©dicale pour se faire peser. Ce ne sont pas les catĂ©gories de poids mais pour savoir l’état d’un athlĂšte pendant/aprĂšs la course. Si jamais une personne arrive Ă  la tente mĂ©dicale, les mĂ©decins peuvent savoir combien de kilogrammes elle a perdu et dĂ©terminer si elle est en danger ou non. En plus de l’énergie dĂ©pensĂ©e, le corps va perdre BEAUCOUP d’eau, mĂȘme en buvant des litres d’eau. Il est normal de voir des athlĂštes perdre plusieurs kilos, mais au-delĂ  d’un certain seuil la dĂ©shydratation devient problĂ©matique. Il n’est pas rare du tout de voir des personnes sous perfusion aprĂšs la course parce qu’elles sont complĂštement dĂ©shydratĂ©es et dans un Ă©tat prĂ©occupant. L’un des athlĂštes que je connais m’a dit qu’il avait perdu 7 kilos Ă  la fin de la course (alors qu’il ne pĂšse que 65 kg), et qu’il avait calculĂ© avoir bu environ 15 L d’eau pendant l’épreuve.

Bref le jour J arrive, rĂ©veil Ă  3h45 (ça pique) et dĂ©part pour la course! Au bout de 10min, je fais faire demi tour Ă  Audrey parce que je me rends compte que j’ai oubliĂ© mes deux gourdes (qui contiennent presque toute ma nutrition pour le vĂ©lo). PremiĂšre fois de ma vie que ça m’arrive. On avait pris large donc on arrive bien en avance, l’ambiance est dĂ©jĂ  ouf mĂȘme s’il est Ă  peine 5h, un dernier bisou Ă  tout le monde et je pars dans l’aire de transition. J’enfile ma speed suit en face en face des athlĂštes pro qui partent avant nous, je passe Ă  1m de Gustav Iden (qui gagnera la course) et de Lionel Sanders de qui je suis absolument fan! C’est assez dingue de se retrouver Ă  cĂŽtĂ© des meilleurs athlĂštes du monde!!

Je vais dans le sas de dĂ©part, j’avoue que je n’en mĂšne pas large. Je vois Audrey, mes filles, Emilie et Charlotte dans les tribunes avec le mĂ©gaphone en passant, on entend le coup de canon (un vrai canon) qui annonce le dĂ©part des pros. Le dĂ©part est en mass start, donc tous les athlĂštes de ma catĂ©gorie entrent dans l’eau en mĂȘme temps, et le dĂ©part se fait Ă  une centaine de mĂštres de la plage. 400 hommes gonflĂ©s Ă  bloc dans un couloir de 50 mĂštres Ă  peine, ça fait une belle densitĂ©. On sent l’excitation et l’apprĂ©hension du dĂ©part, et en mĂȘme temps la confiance. C’est pas la course du quartier encore une fois, tous les gars Ă  cĂŽtĂ© de moi sont des athlĂštes chevronnĂ©s.

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 GO! Si vous n’avez jamais fait de mass start, c’est comme si vous Ă©tiez dans un banc de thons Ă  qui on envoie de la nourriture. On se nage les uns sur les autres, tout le monde est un peu frĂ©nĂ©tique et essaie de faire de la place autour de lui. Pour ma part j’ai eu l’impression d’ĂȘtre dans Pinocchio lorsqu’il se retrouve avec son pĂšre dans le ventre de la baleine et que tous les poissons arrivent 😂 (c’est marrant de penser Ă  ça en pleine course, alors que j’ai pas vu Pinocchio depuis au moins 20 ans). Le dĂ©but de la nage est assez tendu et on passe beaucoup de temps avec la tĂȘte hors de l’eau pour voir oĂč on va, ou pour Ă©viter les coups. Au bout de 10 minutes je sens une barre dans mon dos, que j’associe Ă  la tension et l’intensitĂ© du dĂ©but de course. J’avais eu Ă  plusieurs reprises quelques courbatures au dos ces derniers temps, surement un mĂ©lange d’entraĂźnements et de stress avec l’arrivĂ©e de l’échĂ©ance. Mais la barre reste et devient de plus en plus gĂȘnante, avec une pointe de douleur de plus en plus insistante vers la droite. Je commence Ă  avoir du mal Ă  sortir le bras droit de l’eau, et encore plus quand je dois prendre ma respiration. Et je commence aussi Ă  douter. Ce doute qui s’immisce petit Ă  petit dans la tĂȘte. Avoir mal au dos si tĂŽt dans la course alors qu’il reste 180km de vĂ©lo et un marathon, et que je ne suis mĂȘme pas Ă  la moitiĂ© de la nage. Je me fais violence, je sers les dents et je passe le demi tour qui marque le retour vers la plage. A peine 1800m de faits, ma technique de nage est dĂ©sastreuse et j’ai l’impression d’ĂȘtre un dĂ©butant dans l’eau. Je m’arrĂȘte plusieurs fois pour laisser la douleur s’en aller (ou du moins j’espĂšre qu’elle s’en aille), mais rien n’y fait, c’est juste de pire en pire.

C’est marrant ce qu’il se passe dans la tĂȘte Ă  ces moments lĂ . On se dit que ce n’est qu’une douleur, qu’avec un peu de mental ça va passer. On se dit qu’on n’est pas venu lĂ  pour rien, qu’on ne s’est pas entraĂźnĂ© autant juste pour 1800m de natation. Je me souviens clairement m’ĂȘtre dit “Pas toi Olivier, c’est pas toi qui va abandonner aujourd’hui”. Mais nager le crawl sans rĂ©ussir Ă  sortir un bras de l’eau c’est impossible. Je lutte, je lutte, et puis mon corps et ma tĂȘte ont dit stop. C’est comme si toute l’énergie et la motivation s’étaient subitement Ă©vaporĂ©es, sans que j’ai le choix. En plus de ne rien pouvoir faire, j’avais la certitude que mon corps me disait “c’est fini, pas aujourd’hui”. J’ai essayĂ© de repartir, avec tout le mental que je suis capable de dĂ©ployer, mais impossible, mon corps avait coupĂ© le contrĂŽle. J’ai levĂ© la main pour indiquer Ă  l’un des kayakistes de l’organisation que j’avais un problĂšme, j’ai nagĂ© tant bien que mal jusqu’à lui et je me suis cramponnĂ© Ă  l’avant du kayak avec une seule main, puisque utiliser l’autre me faisait trop mal au dos. Je lui ai dit que je ne pouvais pas continuer, et un jet-ski est venu me rĂ©cupĂ©rer. J’ai fait mon baptĂȘme de jet-ski entre deux sanglots et des coups de jus dans le dos, l’organisation est quand mĂȘme au top niveau pour l’assistance des athlĂštes.

Je suis arrivĂ© dans la tente mĂ©dicale, j’ai fait pleurer la moitiĂ© du staff mĂ©dical tellement j’étais effondrĂ©. Ce jour-lĂ , j’ai Ă©tĂ© le premier Ă  abandonner la course. Le premier Ă  savoir que je ne serai pas un finisher. Le premier Ă  renoncer Ă  cette course mythique que tout le monde rĂȘve de faire. J’avais juste envie de me cacher tellement j’avais honte de moi. Inutile d’essayer de se raisonner dans ces moments, les Ă©motions sont tellement fortes qu’il faut juste les observer et les accepter.

Le mĂ©decin est ensuite venu me voir et a Ă©tĂ© d’une efficacitĂ© redoutable, moins de 5 minutes plus tard, il me dira qu’une de mes cĂŽtĂ©s Ă©tait complĂštement dĂ©boitĂ©e et empĂȘchait le muscle de se contracter. J’ai bien senti la cĂŽte revenir Ă  sa place et la douleur s’en aller. J’étais prĂȘt Ă  reprendre la course! Mais qui dit assistance dit aussi disqualification. Pas d’aide sur un IRONMAN. Ce mĂȘme mĂ©decin m’expliquera qu’il voit ce genre de blessures assez souvent chez les nageurs, et que ma cĂŽte devait dĂ©jĂ  ĂȘtre sortie un peu avant la course et engendrer quelques courbatures. Je comprends mieux d’oĂč venaient ces fameuses courbatures que j’avais depuis quelques semaines.

J’ai ensuite pu appeler Audrey qui est venu me rĂ©cupĂ©rer, et j’ai prĂ©fĂ©rĂ© lui dire tout de suite que je souhaitais rentrer Ă  notre AirBnb. Le retour en voiture ne fut qu’un long calvaire, Ă  voir les athlĂštes passer en vĂ©lo et Ă  ruminer ma dĂ©cision d’abandonner. Ma fille de 3 ans avait bien compris ce qu’il s’était passĂ©, et lorsque j’ai fini de lui expliquer que j’avais trop mal au dos pour continuer la course, elle m’a dit “C’est pas grave Daddy, ça va passer et tu pourras recourir aprĂšs”. C’est marrant les enfants, ils ont parfois une vision tellement naĂŻve et pourtant claire des Ă©vĂšnements. C’est sĂ»r que ça va passer, mais pour l’instant ça fait un peu mal. Plus Ă  mon dos c’est vrai, mais ça fait toujours mal dedans.

Aller rĂ©cupĂ©rer mon vĂ©lo aprĂšs la course a Ă©tĂ© une des expĂ©riences les plus honteuses et tristes de ma vie. Je n’ai pas eu une vie compliquĂ©e jusqu’à maintenant, je n’ai jamais vĂ©cu de moments traumatisants ou extrĂȘmement tristes. Mais traverser le parc Ă  vĂ©lo au milieu de tous les athlĂštes portant fiĂšrement la mĂ©daille et le t-shirt de finisher Ă©tait vraiment une Ă©preuve. J’avais honte. J’ai tellement enviĂ© ces personnes qui boitaient Ă  cause de leurs courbatures, ces bonnes courbatures d’aprĂšs course qui empĂȘchent de marcher mais qui ont aussi le goĂ»t de la rĂ©ussite et du travail accompli. Parce que pour ma part j’étais en pleine forme, pas de fatigue, aucune courbature, mĂȘme pas mal au dos. Le pire c’est quand un des bĂ©nĂ©voles m’a tapĂ© sur l’épaule pour me dire “FĂ©licitations pour la course mec!”. J’ai juste rĂ©ussi Ă  lui sortir le sourire le plus fake de la terre et dire “Merci!”, je n’avais franchement pas la force de lui dire qu’en fait j’avais abandonnĂ© mĂȘme pas Ă  la moitiĂ© de la nage


Bref, nous avons longuement discutĂ© avec ma femme le lendemain de la course, et nous sommes d’accord sur ce qu’il s’est passĂ©, et ce que nous souhaitons faire ensuite. Cette discussion nous appartient, mais je suis persuadĂ© que j’ai appris bien plus avec cet Ă©chec qu’avec toutes les autres courses que j’ai pĂ» faire. J’étais au clair avec moi-mĂȘme, clair avec mes objectifs. Nous avons pĂ» profiter au maximum de l’üle aprĂšs la course avec les filles, nous poser, aller voir les volcans, manger des burgers au bord de la piscine, rencontrer des gens formidables, voir des tortues gĂ©antes! Des bonnes vacances!

J’ai mis du temps Ă  Ă©crire ce rapport, c’était bien plus dur que ce que je pensais. Non seulement parce que j’aurais aimĂ© Ă©crire un rapport qui se termine bien, et aussi parce qu’en rentrant d’HawaĂŻ, j’avais dĂ©jĂ  fait le deuil de ma course, et que je voulais passer Ă  autre chose. Écrire le rapport c’était se replonger dans les Ă©motions qui m’ont traversĂ©, dans l’échec cuisant que j’ai vĂ©cu. Ce n’était qu’une course, que du sport, personne n’est mort, mais j’ai mis tellement d’énergie et j’avais tellement Ă  coeur de bien faire que la dĂ©ception est Ă  la hauteur de l’investissement. Mais c’était le moins que je puisse faire aprĂšs tous les messages d’encouragement que j’ai reçu et toutes les marques d’affection que je n’attendais pas mais qui m’étaient tout de mĂȘme adressĂ©es. J’ai Ă©tĂ© vraiment touchĂ©, bien plus que ce que vous pensez. Raconter ce qu’il s’est passĂ© est le minimum que je puisse faire pour partager un peu de tout cela avec vous. Il y aurait bien plus de choses Ă  dire, mais c’est le maximum dont je suis capable pour le moment. J’ai vraiment envie d’avancer et de laisser ça derriĂšre moi.

Il y aura d’autres courses, la motivation n’est pas morte ce jour lĂ  (oh que non), et peut ĂȘtre que je ne retournerai jamais Ă  HawaĂŻ (mais je pense que oui). Mais si nous y retournons, je me suis Ă©cris une lettre (sur une excellente idĂ©e d’Audrey une fois de plus) le lendemain de la course, et lorsque j’y retournerai, je pourrai me souvenir. Je ne sais pas ce qu’il y a dans la lettre car je l’ai Ă©crite comme une sorte d’exutoire, mais je sais que je sais me parler.

Je clĂŽturerai ce rapport par un immense MERCI. A ma famille, Ă  mes incroyables amis, Ă  mon Ă©quipe chez Doctolib (qui est de loin la meilleure Ă©quipe du monde), merci au Dr François Tassery, au Dr Antoine Gerometta, Ă  Antoine Allaire, Ă  Thierry Allaire et Ă  tout le cabinet de KinĂ©sithĂ©rapie (tu vois StĂ©phanie pour le rapport aussi je suis en retard). Une fois de plus merci Ă  l’AB Sports, piscine et SPA pour m’avoir permis d’utiliser le complexe aquatique. Merci Ă  Adrien Boullier pour tous les conseils qu’il m’a donnĂ© pour la course et HawaĂŻ en gĂ©nĂ©ral, je les garde en tĂȘte pour la prochaine fois! Merci Benoit de m’avoir fait passer un cap en natation, aucun doute que la progression va continuer. Enorme merci Ă  Luc Gallais de Paris Normandie pour ce super article dans la presse. Paola, mĂȘme si le bracelet porte bonheur que tu m’as confectionnĂ© n’a pas fonctionnĂ© aussi bien cette fois-ci, il est mon meilleur alliĂ© pendant les courses.

Merci Ă  mon club le HAC Triathlon et Ă  la ville du Havre qui m’ont soutenu financiĂšrement. Et merci au HAC Triathlon d’ĂȘtre un club aussi accueillant!

Merci Ă  ma petite soeur Emilie d’avoir Ă©tĂ© avec nous Ă  HawaĂŻ (elle en a bien profitĂ© aussi hein), pour son soutien et pour ĂȘtre tout simplement la femme qu’elle est.

Et le mot de la fin sera pour celle qui est tous les jours Ă  mes cĂŽtĂ©s, sans qui je serai bien loin d’ĂȘtre la personne que je suis aujourd’hui. Je ne ferai pas de dĂ©claration dans un rapport de course, surtout que ce serait bien trop loin de la vĂ©ritĂ©. Pour toutes les aventures que nous avons vĂ©cues et toutes celles Ă  venir, je suis tellement heureux de marcher Ă  tes cĂŽtĂ©s.

L’histoire ne s’arrĂȘte pas lĂ , ooooooooh que non!

Olivier Gerbron
Engineering Manager

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