Championnats du monde IRONMAN 70.3 2019 - Nice

Comme on dit souvent: “une bonne chose de faite!”. Dans la To Do liste de la vie, je peux cocher “Participer à des championnats du monde”, bien que cet élément ait plutôt été dans les rêves plutôt que dans le réalisable. Quelle expérience et de chemin parcouru depuis ma décision de faire un ironman en Août 2018! J’étais parti pour en faire un pour mes 30 ans, et j’ai finalement fini avec ces championnats du monde 😁

5700 athlètes dans cette course à laquelle on ne peut participer qu’en se qualifiant, autrement dit les meilleurs de chaque course qualificative. Le résultat au classement est moins valorisant que les précédentes courses, mais vu la densité du niveau c’est une grande satisfaction: 720eme/3262 au classement homme et 163eme/454 dans ma catégorie (30-34 ans). Je visais un top 1000 au général, c’est bon! Comme cette qualification n’était pas prévue, le but était avant tout de prendre un maximum de plaisir, le tout avec la meilleure performance dont j’étais capable.

Départ de la natation à 7h57 pour les 30-34ans, pas trop tôt pour une fois. Donc lever à 5h, les affaires sont déjà prêtes, et l’excitation mêlée de stress aussi. C’est pas tous les matins qu’on se lève pour ce genre d’événement ! J’ai bien géré ma semaine pré course en me couchant tôt, donc même avec un réveil assez matinal j’ai eu 7h de sommeil. Petit dej de course dans l’estomac (2 oeufs + oléagineux + café), mon pilote de femme Audrey me conduit à la ligne de départ, en prenant un itinéraire avec zéro bouchon, ça épargne du stress. Il fait un peu frais sur la promenade des anglais (16 degrés), mais la douche froide arrive ensuite. L’eau de la méditerranée est à 25,6 degrés, soit 1 degrés au dessus de la limite pour autoriser la combinaison de natation 😭 la vieille l’eau était à 24 degrés, les femmes ont donc eu droit à la combi, on était donc tous confiants pour l’avoir: raté.

Pour les non initiés, nager en combinaison est un gros gain, le néoprène vous fait flotter beaucoup plus, l’eau “accroche” beaucoup moins, et on peut donc nager quasiment sans battre des pieds, ce qui permet d’économiser énormément les jambes pour la suite. L’interdiction de la combinaison reste assez rare en triathlon, on ne nage pas souvent dans des eaux aussi chaudes! Bon la rareté pour mon expérience en triathlon on repassera, 4 triathlons à mon actif et déjà 2 avec combinaison interdite (la poisse…).

Pas grave, j’ai quand même bien progressé en natation, ça va le faire, je garde mon objectif de moins de 30 min sur les 1,9km. Passage à l’aire de transition pour vérifier la pression des pneus et déposer la gourde plus le ravitaillement, et en avant pour déposer le sac avant d’aller au départ. Derniers réconfort et encouragements avec ma moitié, je me change et j’y vais. Je remarque au passage les physiques très secs et musclés des autres participants, y’a pas à dire on est pas à la petite course du patelin du coin 😂. On sent bien que les gars sont là pour la performance et pas pour être simples finishers, ça tombe bien moi aussi, ça va être un beau combat ⚔⚔

Natation

En allant au départ, je croise Pauline et Matthieu qui sont venus m’encourager, c’est vraiment trop cool d’avoir des amis qui viennent vous supporter! Je me positionne sur la ligne, je vois mon père sur la gauche l’appareil photo dans la main en faisant de grands gestes, je ne sais pas qui est le plus heureux d’être ici 😂 6 bip courts, 1 bip long et top départ, on court sur les galets (aïe), et on plonge comme des brutes dans l’eau. Bah oui on reste des hommes il faut bien montrer qui est le plus fort. Ça part fort, les bras sont au rendez vous et malgré l’absence de combi je sens que je nage bien. Pendant une course ce n’est plus le moment de penser à sa technique, on laisse le corps faire avec ses automatismes et on se concentre pour s’orienter et mettre de la fréquence dans les bras. Bref je nage, les sensations sont différentes vu que je porte mes habits de course, et là je me rends compte que les mouvements d’eau près de mon bassin, c’est tout simplement l’eau qui s’engouffre dans les poches ventrales et dorsales de mon maillot, pour mettre le ravitaillement pendant les épreuves suivantes. Autant dire que j’ai un parachute, efficace pour nager 😅 je commence à comprendre pourquoi je me fais doubler depuis quelques temps. Le problème quand la combinaison est interdite, c’est que l’on a pas accès au sac de transition le matin la course, donc impossible de déposer mon maillot, alors que cela aura été bien plus pratique (et rapide) de nager torse nu.

Tant pis pour moi je continue à progresser, les 30 min sont toujours en tête. Sur le chemin du retour, je profite du soleil qui se lève sur la mer à chaque respiration, c’est quand même super beau! J’arrive à la fin de la nage, je sens des brûlures sur les épaules à cause du frottement du maillot (qui n’arrive pas avec la combi!), mais c’est cool l’eau de mer c’est salé (Ça pique 😱). J’attrape le bras d’un bénévole à la sortie de l’eau frais comme un gardon, mais pas aussi rapide apparemment puisque je sors en 33'35", un peu déçu du chrono… mais c’est le jeu ma pauvre Lucette, pas de combi, pas de chrono!

Vélo

Je déboule dans la transition, attrape mon casque et mes chaussures et je file comme le vent à mon vélo, j’entends le mégaphone d’audrey mais je reste dans ma bulle, j’essaie de me concentrer pour ne pas que ma mauvaise perf en nage ne me démoralise, c’est que le début! Point positif je fais ma transition en 3'30", bien mieux que mes 10' à Aix en Provence 😂, je saute sur mon vélo et en avant pour 92km !

Les premiers kilomètres de vélo sont toujours un peu étranges, on ne sent pas encore ses jambes parce que tout le sang est dans les bras, on a pas encore chaud puisqu’on est trempé, donc j’essaie d’appuyer modérément sur les pédales pour éviter de me mettre dans le rouge. 10km de plat pour commencer, je me fais déjà doubler par d’autres gars avec des mollets sortis d’une compétition de culturisme, avec mes mollets de poulet je me sens frêle 😂 pas grave on verra qui est la gazelle à la course à pied! Première difficulté au bout de 14km, avec des passages en côte à 17%… J’ai tout à gauche comme on dit dans le cyclisme (la vitesse la plus facile 😉) et pourtant je dois me mettre en danseuse pour avancer, mes cuisses brûlent! Je double (un peu), je me fais doubler (trop à mon goût), mais je sais déjà qu’il faut que je progresse avant de pouvoir tenir les allures des meilleurs, après tout ça ne fait que 10 mois que je fais du vélo (mais ça ta fierté elle s’en moque pendant une course bien évidemment). Arrive l’obstacle du parcours, le col de Vence de 14km à 6% de moyenne, c’est pas ici que tu passes le mur du son. Donc j’attends que ça passe, en contrôlant ma fréquence cardiaque d’un oeil (pour ne pas aller “dans le rouge”), en profitant du paysage et en me disant qu’après être monté si haut ça va redescendre!

Panneau d’arrivée du col de Vence, on peut relancer le vélo! A ce stade il ne reste que deux petites montées au milieu des 45km de descente. Je rentre dans mon domaine, je suis bien meilleur en descente qu’en montée (que ce soit à pied ou en vélo), je commence à doubler beaucoup de monde et sans difficulté, il suffit de ne jamais freiner 😁 en prenant bien les trajectoires et en anticipant correctement, on conserve beaucoup plus de vitesse et d’inertie, je ne compte plus le nombre de gars que je dépasse en prenant l’extérieur du virage tellement la différence de vitesse est grande. Sauf que ces mêmes gars ont tellement de force dans les jambes que la moindre portion de plat leur suffit pour me rattraper, donc je pousse mon avantage au maximum.

Fin de parcours de 10km sur du plat, j’ai plutôt bien géré ma nutrition et mon eau, je me sens bien. Je me pose sur les prolongateurs pour terminer cette partie, avec une vitesse de 40,5km/h, je me dis que c’est cool je vais vite! Hé bien même à cette vitesse je me faisais toujours doubler 😂 les types ont des pistons à la place des jambes. Je tente plusieurs fois de me mettre en mode chasseur comme avec Benjamin Benoist, mais rien n’y fait c’est trop rapide pour moi, inutile de griller des cartouches avant la course à pied. Fin de parcours sur la promenade des anglais, j’entends en coup de vent mes supporters et la super ambiance, je retire mes chaussures encore sur vélo et fais un super saut sur mes pieds pour me mettre à courir, de concert avec un autre participant et sous les acclamations du public, avec un surprenant “Ouuuaaa magnifique saut les gars” d’un supporter, ça m’a beaucoup fait rire 😂.

Course à pied

Comparé à mon état en arrivant à la même transition pendant l’ironman en juin, c’est le jour et la nuit ! Je cours vite poser mon vélo, je dois même pousser un gars qui n’avançait pas assez vite pour moi (très poliment bien évidemment, t’inquiète Maman je suis bien élevé). Changement de chaussures, je jette mon sac de transition aux bénévoles (version pour ma mère: je donne avec précautions mon sac aux bénévoles en les remerciant pour leur travail pour cette super course, et en leur souhaitant bon courage), et je pars sur la promenade des anglais pour 21km! Transition fusée en 1'48", je suis content (sur ce coup là je suis presque aussi bon que le champion olympique Alistair Brownlee qui fait sa transition en 1'27", j’espère que la reine d’Angleterre est fière de moi). Bon j’ai oublié ma casquette au passage, mais je ne compte pas m’éterniser pendant ce semi marathon.

Premier passage devant ma famille et mes amis après 1km, je lève le poing parce que ça va bien et que j’ai une revanche à prendre sur ces cyclistes qui m’ont écoeuré sur le vélo, je suis chaud! Premiers kilomètres avalés en 3'45"/km (16km/h), les jambes sont bien et les sensations aussi, mes mollets de poulet me propulsent sans effort. Je double à la pelle, c’est bon pour le mental, et personne ne me double (encore mieux)! Je passe les 10km sans problème en gardant la même allure, mieux vaut être un peu conservateur à pied sur la première moitié. Je repasse devant mes supporters, encore un shot d’adrénaline 😁 c’est parti pour le 2eme et dernier tour sur la promenade des anglais, avec une petite baisse de régime et des cloques sous les doigts de pieds (deuxième fois que ça m’arrive avec ces chaussures, je reprendrai pas ce modèle !), mais je me reprends après 2 kilomètres, je vais pas me laisser abattre si facilement.

Je me fais doubler pour la troisième fois au 13eme kilomètres, dont les deux premières fois à des ravitaillements où j’avais ralenti pour boire, j’avais donc laissé passer, mais j’avais bien l’intention de suivre ce gars là! Je me pose à sa droite pour courir avec lui, je sens bien qu’on va vite mais ça tient bien. Après quelques centaines de mètres je me demande si je ne suis pas un peu optimiste, on était à une allure de 3'27"/km (17,4km/h, plutôt l’allure que j’aurai si je faisais seulement un semi marathon, pas en m’amusant dans les montagnes avec mon vélo avant 😂). Je décide de ralentir, il reste tout de même quelques kilomètres, et je me recale sur mon allure précédente.

A 4km de l’arrivée, je me dis que l’aventure est bientôt terminée et que c’est le moment d’en profiter, 10 mois que je m’entraîne comme un forcené! Le plus naturellement du monde je me mets à sourire en courant, c’est vraiment super plaisant de courir sans trop d’efforts à ce stade de la course, sous ce magnifique soleil, avec autant d’ambiance et dans une course si relevée!

J’ai vu quelques regards surpris de spectateurs en me voyant sourire en continuant à doubler tout le monde (oui parce que j’avais commencé à accélérer), j’ai entendu une petite fille demander à sa mère “mais pourquoi il sourit le monsieur ?”. C’est parce qu’il est heureux le monsieur, il souffre et ses jambes tirent mais ça le rend heureux, il sourit parce qu’il est content et fier d’être arrivé ici, parce qu’il se dit qu’il s’arrêtera de courir seulement quand ses jambes ne pourront plus le porter, parce qu’il se sent vivant et chanceux de vivre des expériences comme ça. Bon évidement je me suis pas arrêté pour lui expliquer ça, ça reste une course!

Plus qu’un kilomètre, ma petite soeur Chloé était en embuscade pour courir avec moi sur le côté (comme en juin), je souris encore plus (si c’était possible), et je me dis qu’elle a été ambitieuse d’essayer de me suivre si loin de l’arrivée 😂😂 Elle a beau avoir des grandes jambes on est pas sur le même rythme, si bien que je la perds de vue après 500m (elle est rapide quand même !), l’histoire voudra qu’elle ait été bloquée par la sécurité, pas qu’elle était à bout de souffle. Dernier passage en bombe devant Audrey, mes parents, Félix, Pauline et Matthieu sur le tapis de la ligne d’arrivée, avec le poing levé, c’était une bonne course ! Je tape dans la main d’un spectateur (ou plutôt je détruit la main, elle doit encore être rouge à l’heure qu’il est), et je passe la ligne en 4h53'12".

J’avais prévu de boucler la course en moins de 4h40, mais vu le parcours vélo ce n’était pas dans mes cordes, et sans la combinaison en natation ça devenait TRES compliqué. Pas grave, je suis satisfait de la course, bonne gestion, bonnes sensations, beaucoup de plaisir, une bonne course à pied (qui me tenait à cœur), ce n’est que partie remise!

Quel gros kiffe d’avoir fait les championnats du monde ! Certains penseront qu’on est loin du niveau des professionnels, mais c’est aussi un championnat pour les amateurs dévoués et passionnés, qui ont un travail et une vie à côté du triathlon, impossible pour nous de nous entraîner 35h par semaine, sachant qu’on passe ce temps là à travailler (35h par semaine pour les chanceux 😂).

Pour donner une idée de la préparation pour ce type de course, j’ai fait depuis Octobre 2018 550h d’entraînement (139h de course à pied, 287h de vélo, 101h de natation et 23h de musculation) soit plus de 11h/semaine. Sachant que depuis mars le volume était plutôt compris entre 15 et 20h par semaine. Sans parler de l’entraînement fantôme qu’on ne compte pas dans les heures d’entraînement: les étirements, les massages, la planification des séances, la documentation sur la préparation physique et la nutrition, la mécanique sur le vélo, la logistique pour les courses, les heures de sommeil en plus, les discussions sans fin avec Benjamin Benoist (😂😂), écrire des débriefings de course etc. En plus de votre vie normale ça remplit rapidement les semaines! Autant dire qu’il faut avoir envie! Se lever le matin à 6h pour aller nager, partir au travail ensuite, monter sur le vélo en rentrant du travail ou aller courir à midi, ça demande une bonne dose de discipline et de motivation!

Au final je pensais arriver à me calmer après cette course mais ça m’a tellement remotivé! J’ai pris une fessée sur le vélo, hors de question que ça recommence 😂 1461ème temps en vélo au général et 105ème temps en course à pied, on voit clairement où est ma marge de progression.

Il ne me reste plus qu’à remercier ma merveilleuse femme qui est un soutien sans faille, pour cette expérience comme pour le reste 💙

Merci à mes supporters sur place (mes parents, ma petite soeur, Félix, Pauline et Matthieu) qui rendent ce moment magique, ainsi que toutes les personnes qui me soutiennent à distance et au jour le jour, ça paraît peu mais ça fait courir plus vite 😀

Merci à Denis qui me prodigue toujours ses précieux conseils d’entraînement et à Rosalie de Libreforme8, sans qui je ne mangerais pas aussi bien! Je remercie également mon entreprise Yuso, qui m’a soutenu dans mon entraînement et dans les courses. Un dernier merci à Luc Gallais pour l’interview dans le Paris Normandie, ça a rendu cette aventure encore plus cool!

Et merci d’avoir tout lu!

Maintenant place à la récupération, place à la détente et surtout place à la prochaine aventure avec un voyageur supplémentaire 👼

Olivier Gerbron
Engineering Manager

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