Ventouxman 2020

Une annĂ©e est passĂ©e depuis mon dernier triathlon Ă  Nice (pour les championnats du monde Ironman 70.3 Ă  Nice), parce que occupĂ©s Ă  ĂȘtre parents et qu’un virus a annulĂ© toutes les courses. Un petit championnat tout de mĂȘme avec les courses virtuelles Ironman organisĂ©es en juin, mais trĂšs diffĂ©rent d’une “vraie” course.

Bref me voici engagĂ© dans la course du Ventouxman avec l’un de mes amis Matthieu, avec au programme:

  • 2 km de natation dans le lac de Lapalud
  • 90 km de vĂ©lo, avec l’ascension du Mont Ventoux (donc un total de 2300m D+, c’est
 beaucoup)
  • 20 km de course Ă  pied en forĂȘt, avec 400m D+ et des passages assez techniques

Avec un an de triathlon en plus dans les jambes, j’ai hĂąte de voir les progrĂšs que j’ai pu faire sur le vĂ©lo, mĂȘme si l’entraĂźnement fut loin d’ĂȘtre optimal. L’objectif Ă©tait surtout de voir oĂč en Ă©tait la machine et de prendre le dĂ©part avec l’un de mes meilleurs amis (Matthieu), ça rajoute du plaisir et des souvenirs!

ArrivĂ©s sur place la veille, le protocole anti Covid rend le dĂ©pĂŽt des vĂ©los plus rapide, au moins ça de gagnĂ© en Ă©nergie perdue Ă  attendre. Mon emplacement vĂ©lo est juste Ă  la sortie de la natation, juste Ă  cĂŽtĂ© des vĂ©los des pros 😁, bon point quand on sort de l’eau un peu Ă©tourdi! DerniĂšre Ă©tape, dĂ©pĂŽt du sac pour la course Ă  pied, et pendant la conversation, Matthieu me parle du porte dossard, et là
 je m’exclame “J’ai oubliĂ© mon porte dossard Ă  la maison le ***”. Matthieu rigole avant de se rendre compte qu’il l’a lui aussi oubliĂ© ah ah ah
 les deux gars super contents de faire la course ensemble et qui ne font pas bien leur sac. D’habitude je suis un vrai militaire sur la discipline et la logistique d’avant course, ça m’apprendra Ă  me relĂącher. Sauf qu’il nous en faut absolument un, on se rend dans les stands de la course, aucun porte dossard, on se dit donc qu’on va aller au DĂ©cathlon le plus proche. Il est pas loin c’est cool, je dis en rigolant Ă  Matthieu “Ce serait drĂŽle qu’il y en ait plus qu’un” ah ah ah. Ah ah ah
 😅 parfois c’est bien de se taire. Je propose Ă  Matthieu de se battre (en toute amitiĂ©) pour savoir qui aurait le porte dossard, mais il refuse en rigolant (parce qu’il sait trĂšs bien qu’il va perdre). On demande au vendeur s’ils n’en ont pas en stock, la rĂ©ponse est non forcĂ©ment. Direction le DĂ©cathlon Ă  20min de route, oĂč on trouve enfin un autre porte dossard,sauvĂ©s! Que de stress et d’énergie perdue
 On rejoint la maison pour se dĂ©tendre et prĂ©parer les affaires pour le lendemain, avec nos compagnes respectives et baby đŸ„°

DĂ©part de la course Ă  7h40, donc levĂ©s Ă  5h45, ce sera Pauline qui nous dĂ©posera sur le lieu du dĂ©part pour laisser baby dormir. Deux oeufs, olĂ©agineux et un cafĂ©, petit dĂ©jeuner typique d’avant course, et on prend la voiture. On se raconte qu’on a tous entendu l’orage pendant la nuit, il reste quelques grondements dans le lointain, mais la mĂ©tĂ©o annonce juste un peu de pluie, pas trĂšs grave. Je prĂ©fĂšre cette tempĂ©rature que la canicule que l’on avait eu sur l’Ironman de Nice en 2019. ArrivĂ©e au parc Ă  vĂ©lo, on regonfle les pneus, on prĂ©pare les affaires. Je rejoins Matthieu Ă  son vĂ©lo et commence Ă  mettre ma nouvelle combinaison de natation (que je vais ENFIN pouvoir utiliser dans une course). Et en mĂȘme temps commence une douce pluie, qui se transforme quelques secondes plus tard en averse, obligĂ©s de s’abriter sous les arbres! Les Ă©clairs zĂšbrent de plus en plus le ciel, et on compte les secondes entre la lumiĂšre et le son pour constater que l’orage se rapproche de nous, pas bon. L’heure du dĂ©part approche mais l’organisation temporise, en nous prĂ©venant que l’orage devrait nous contourner. Vingt minutes plus tard l’organisation nous annonce qu’ils vont ĂȘtre obligĂ©s d’annuler la natation, l’orage ne se calme pas (la pluie non plus) et nager dans ces conditions est trop dangereux. Normal, mais extrĂȘmement dĂ©cevant! Le dĂ©part sera donc Ă  8h15, avec seulement du vĂ©lo et de la course Ă  pied. Le problĂšme est que nous avons tous dĂ©jĂ  donnĂ©s nos affaires d’aprĂšs course, nous sommes donc pour la plupart sous la pluie avec nos affaires de course dĂ©jĂ  trempĂ©es, et que l’on refroidit assez vite. Quelques minutes plus tard, nouvelle annonce, les conditions au sommet du Mont Ventoux sont trĂšs dangereuses, orage, pluie torrentielle, vent Ă  100km/h et du brouillard, autant dire bien trop pĂ©rilleux.

La dĂ©cision est actĂ©e de rĂ©duire le vĂ©lo Ă  75km et d’emprunter la montĂ©e par MaleucĂšne, et donc de ne pas monter jusqu’en haut du Ventoux, dommage. La pluie se calme (mais il pleut toujours), et le dĂ©part commence finalement Ă  8h30. De nombreux participants prĂ©fĂšrent abandonner avant le dĂ©part, il faut vraiment se faire violence pour oublier le froid actuel et les conditions de course qui nous attendent. Je grelotte de froid en m’approchant de la ligne de dĂ©part, je n’ai que ma trifonction (trĂšs fine) et mes manchons que j’avais prĂ©vu au cas oĂč. DeuxiĂšme erreur de logistique, il faut tout prĂ©voir pour une course en montage. Je passe devant Matthieu (les dĂ©part sont donnĂ©s par ordre de dossard croissant), et enfin les premiers coups de pĂ©dale, il est temps de se rechauffer un peu!

J’ai depuis peu un capteur de puissance sur mon vĂ©lo, qui me permet de trĂšs bien gĂ©rer mon allure. Pour les geeks des chiffres, j’avais prĂ©vu (avec l’aide du site bestbikesplit) de partir sur une moyenne de 250 Watts, que je savais pouvoir tenir plus de 3h et pouvoir faire une bonne course Ă  pied derriĂšre. Il fallait donc rester Ă  220 Watts sur les 50 premiers kilomĂštres puis monter Ă  280 Watts sur la montĂ©e du col. Je me cale donc Ă  cette allure, bien posĂ© sur mes prolongateurs. Les jambes ont bien progressĂ©! Je roule entre 37 et 40 km/h sans difficultĂ©, et je double beaucoup de monde. Les choses ont changĂ© depuis Nice, je suis vraiment content! On enchaĂźne les routes assez plates, le dĂ©but du parcours est vraiment roulant. J’arrive Ă  rester calme bien que les jambes bouillonnent d’énergie. La pluie a un tout petit peu cessĂ©e, enfin. PremiĂšre difficultĂ© aprĂšs 50km ça grimpe fort, je m’ajuste Ă  280-290 Watts et je me dis que ça passe facile. La pluie reprend de plus belle, encore plus fort qu’au dĂ©part.

PremiĂšre (et derniĂšre parce qu’il n’y a que de la montĂ©e) descente un peu technique, passage que j’affectionne particuliĂšrement. Sauf que c’est impossible d’aller vite, l’eau tombe tellement fort qu’il y a un torrent sur la route, je me prends beaucoup d’eau dans les yeux avec la pluie qui tombe et l’eau qui remonte des pneus, mes yeux sont rĂ©duits Ă  deux petites fentes, et la visibilitĂ© est vraiment rĂ©duite. Pour courronner le tout, mes jantes en carbone (qui n’offrent dĂ©jĂ  pas un super freinage) donnent l’impression de freiner dans le vide, je suis obligĂ© d’anticiper plus de 100m Ă  l’avance pour Ă©viter de me retrouver dans le dĂ©cors. Pas grave, c’est le jeu!

On attaque enfin le plat principal, la montĂ©e par MalaucĂšne. J’ai choisi de ne pas regarder mon compteur de kilomĂštre pour rester concentrĂ© sur les watts, je n’ai donc aucune idĂ©e d’oĂč est l’arrivĂ©e, mais ça m’aide Ă  rester dans le prĂ©sent. On grimpe, on grimpe, la pluie n’arrĂȘte toujours pas de tomber, ça ressemble plus Ă  du kayak que du vĂ©lo. Je suis plutĂŽt bien, les jambes sont ok, j’ai chaud et je me nourris rĂ©guliĂšrement. Sauf que quand on grimpe, la tempĂ©rature descend, et on grimpe
 doucement.

Vers la moitiĂ© de la montĂ©e, je me rends compte que mes doigts sont plus proches du bleu que du blanc, et j’ai l’impression d’avoir les bras et les pieds engourdis. Pas vraiment une impression puisque 10min plus tard je me dis que je commence vraiment Ă  avoir froid, alors que je monte toujours Ă  290 Watts (environ 90% de ma FTP, donc grosse intensitĂ©). Je vois le camion de la croix rouge passer, je pense que certains font de l’hypothermie. Quelques kilomĂštres plus haut, mon souffle fait de la vapeur d’eau avec le froid et la pluie, et je n’ai vraiment plus aucune sensation dans les pieds et les mains. J’ai l’impression d’ĂȘtre en Normandie en plein hiver! La course se corse un peu, mais je vois une borne sur le cĂŽtĂ© indiquant la fin de la montĂ©e dans 5km, ouf! Quelques coups de pĂ©dales plus tard je vois l’entrĂ©e du parc de transition, et je suis obligĂ© de m’arrĂȘter avant la ligne pour dĂ©chausser, impossible de desserer mes chaussures avec les doigts gelĂ©s. Je cours tant bien que mal jusqu’à mon emplacement, je tremble de froid et j’ai du mal Ă  calmer ma respiration. C’est la premiĂšre fois de ma vie que j’ai aussi froid (et pour ceux qui me connaissent j’ai globalement toujours chaud). Je change de chaussures avec quelques cris de douleurs, et je m’élance pour la course Ă  pied.

Les 20km ont Ă©tĂ© rĂ©duits Ă  15km, donc seulement 3 tours de 5km. PremiĂšre expĂ©rience de course Ă  pied avec les pieds et les jambes gelĂ©es, franchement Ă  Ă©viter 😅 j’ai l’impression d’ĂȘtre Forest Gump avec ses armatures mĂ©talliques lorsqu’il Ă©tait petit. Mon souffle est toujours saccadĂ©, je tremble pendant que je cours et mes jambes sont tellement froides qu’elles se contractent erratiquement, et surtout douloureusement. Je suis obligĂ© de faire des tous petits pas pour Ă©viter les crampes et les douleurs. Bonne nouvelle par contre, le parcours est vraiment trĂšs cool, et le peu de coureurs m’indiquent que je dois ĂȘtre assez bien placĂ©! 5km plus tard la chaleur revient enfin, et je peux enfin reprendre une vraie foulĂ©e. Je redouble les participants qui m’avaient doublĂ©s pendant mon tour de (rĂ©)chauffe, je vais pas me laisser abattre! Passage du premier tour sous les encouragements d’Audrey, Pauline et baby, ça ravigote! DeuxiĂšme tour avec de biens meilleurs sensations, et surtout une sensation Ă©trange dans la chaussure gauche, parce que j’ai l’impression qu’elle est pleine de terre (logique puisque l’on court dans la boue). Puis je rĂ©flĂ©chis et me souviens que pour prĂ©parer les transitions, je mets dans mes chaussures ce dont j’aurai besoin pour Ă©viter de fouiller dans le sac. Je compte les barres Ă©nergĂ©tiques que j’ai dans ma poche dorsale (dattes et noix de cajou đŸ€€, une, deux
 OĂč est la troisiĂšme? VoilĂ  voilĂ , c’est donc de la datte que je sens entre mes doigts de pied, et que je vois ressortir par les mailles de la chaussure, classe. Une bonne histoire Ă  raconter.

TroisiĂšme et dernier tour, je dĂ©roule et je me sens bien, un quatriĂšme tour ne m’aurait pas dĂ©rangĂ©, mĂȘme dans ses conditions. Je suis quand mĂȘme content d’en terminer, le froid m’a vraiment fait mal. Je passe la ligne en 4h19 et finis en 49Ăšme position. Nous Ă©tions 850 inscrits, seulement 530 ont terminĂ© (entre les non partants et les abandons, c’est l’hĂ©catombe). Le niveau devant Ă©tait vraiment Ă©levĂ©, j’aurai peut ĂȘtre gagnĂ© quelques places sans le froid, mais je pense que je suis Ă  ma place. J’attends l’arrivĂ©e de Matthieu, qui a l’air vraiment serein, il a vraiment progressĂ© aussi, c’est top!

Une super expĂ©rience malgrĂ© les conditions dantesques, mon seul regret est de ne pas avoir pu profiter du paysage, parce qu’on ne voyait absolument rien. Apparement je n’ai pas Ă©tĂ© le seul Ă  avoir quelques mĂ©saventures, puisque Matthieu a crevĂ©. AprĂšs 5km de course 😆 Il faudra revenir! Place Ă  la rĂ©cup et Ă  la prochaine course le week-end prochain (avec un PORTE DOSSARD!).

Enorme merci à nos supportrices (😍😍), à mon entreprise Karhoo pour son support, à mon club de course à pied le LHSA, et toujours Rosalie de Libreforme8, pour ses conseils si efficace pour ma nutrition et mon hydratation. Et surtout merci à Matthieu d’avoir fait cette course avec moi, un super moment de partage.

Olivier Gerbron
Engineering Manager

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